Pauline d’Alexandre Dumas

Tombeau gothique

pauline
Portrait of Sonia de Henri Fantin-Latour, 1890, oil on canvas*

Résumé

Qui est donc cette femme singulière qui accompagne toujours son ami Alfred de Nerval ? Quelle est cette délicate silhouette répondant au doux nom de Pauline ? C’est un mystère que va bientôt découvrir Alexandre. Elle s’appelle Pauline et son histoire est terrible : c’est une femme belle, jeune et pure qui sera maltraitée jusqu’à sa dernière heure. C’est une innocente jetée à bas. C’est l’expression d’un mal de siècle dessinée avec toute sa violence.

Publié en 1838, Pauline est une œuvre désenchantée d’une jeunesse déboussolée. Vol, vengeance, substitution de cadavres, paysages torturés… on y sent déjà les prémices du Comte de Monte Christo. Avec une incroyable intrigue, le jeune Dumas nous livre un livre gothique en clair-obscur que quelques pages de romantisme viennent éclaircir.

Dame Blanche 

Pauline aurait pu être le titre d’un film noir ou une variation du conte de Barbe Bleue. Mieux encore une nouvelle du maître de l’horreur Edgar Poe : Une femme à sauver, des mystères et un homme fatal… on sent le crime, la nuit noire, l’aventure. Mais c’est surtout ce nom, Pauline, que l’on retient ; ce nom si angélique qui se porte comme un parfum. Pâle et frêle ombre chinoise tout en délicatesse, Pauline est bien l’héritière des héroïnes maladives romantiques. Mais le tour de force de Dumas est d’avoir mis cette âme éthérée au bord du précipice. Dès les premiers pages la voix du personnage nous parle d’outre-tombe. C’est déjà une morte vivante. Ici elle est torturée, anéantie par une main ténébreuse. Une page plus loin elle sombre dans une violente mélancolie. Là, elle est dans un tombeau. Pauline c’est l’écriture de la souffrance en marche, de la douleur d’une époque que les avancées matérielles ont rendues inhumaine. C’est le cri sourd d’un romantisme désenchanté. Est-ce la faute de Pauline si elle a succombé au charme ténébreux presque vampirique du Comte Horace ? Non c’est la faute de ce siècle aseptisé qui a produit des légions d’êtres sans âme, une armée d’hommes maudits. Œuvre crépusculaire, Pauline nous laisse des frisons et des magnifiques tableaux en héritage : les doux paysages italiens, allemands, écossais, suisses, promesses d’un doux rêve romantique, sont noircis par l’obscur gothique. La fantastique montée du dramatique brosse des tableaux grandioses. La blanche et vaporeuse silhouette de l’héroïne, elle, continue de nous hanter une fois le livre refermé. Tout simplement enivrant.

Séléné

Pauline d’Alexandre Dumas (1838), folio classique, 256 pages, 4€20

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Citation

« Alors il me sembla que ce n’était point la première fois que je voyais cette figure ; il s’éveilla dans mon esprit un souvenir vague d’une autre époque, une réminiscence de salons, de bals, de fêtes ; il me semblait que j’avais connu cette femme au visage si défait et si triste aujourd’hui, joyeuse, rougissante et couronnée de fleurs, emportée au milieu des parfums et de la musique dans quelque valse langoureuse ou quelque galop bondissant ; où cela ? je n’en savais plus rien ; à quelle époque ? il m’était impossible de la dire : c’était une vision, un rêve, un écho dans ma mémoire. »

A lire 

Lisez de toute urgence le roman de Wilkie Collins La femme en blanc. Un classique !

*image en open access sur le site de la National Gallery of Art